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Rue piétonne

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Publication : 08 septembre 2016

Rues piétonnes

Une rue piétonne est une rue aménagée en fonction des piétons : ses aménagements sont permanents et résultent d’une volonté claire de privilégier le piéton à tout autre mode de transport notamment motorisé (OQLF, 2012 ; Ville de Montréal, 2014).

Contrairement aux rues partagées (aussi appelées zones de rencontres) ou aux autres zones à priorité piétonne, la circulation automobile y est interdite ou fortement restreinte.

La piétonnisation réfère pour sa part à l’opération consistant à limiter l'accès d'une rue aux seuls piétons (OQLF, 2012).

Pourquoi des rues piétonnes?

Church Street, Burlington Exempte de circulation motorisée, Church Street est prisée pour ses terrasses et pour son animation, devenant une destination en soi à Burlington (Vermont). Source: Vivre en Ville
Dans le courant des années 1960 et 1970, avec l’omniprésence croissante de l’automobile, de nombreuses villes européennes ont pris conscience des nuisances associées à la circulation motorisée dans les centres urbains. Des centres historiques et certaines rues commerçantes se révélaient particulièrement sensibles et mal adaptées à la circulation automobile, que ce soit en raison de leur valeur patrimoniale ou à cause des nombreux conflits générés avec les piétons. Ce constat est notamment tombé à Copenhague où, dès 1962, il a été décidé que la principale artère commerciale du centre-ville, la désormais célèbre Strøget, deviendrait exclusivement piétonne.

Depuis, en Europe comme en Amérique, les exemples de rues piétonnes et de zones piétonnes se multiplient, jusqu’à la récente piétonnisation de Broadway autour de Times Square et de Herald Square, à New York. Le terme zone piétonne (ou aire piétonne) réfère à une section ou un ensemble de sections de voies publiques affectées à la circulation piétonne. Il peut s’agir par exemple d’un centre historique ou d’un cœur de quartier, où plusieurs sections de rues sont à l’usage exclusif des piétons. (CERTU, 2008)

Les bienfaits des rues piétonnes

L’aménagement de rues piétonnes sert de nombreux objectifs reliés au bien-être des usagers de la rue et à la vie urbaine : sécurité accrue des piétons, diminution des nuisances reliées à l’automobile, dynamisme et attrait du milieu.

La piétonnisation d’une voie publique s’avère particulièrement pertinente dans des contextes où les activités de la rue génèrent un nombre important de piétons et où les risques de conflits avec les véhicules motorisés sont exacerbés. Les zones commerciales ou touristiques en sont de bons exemples.

Rue Ste-Catherine, Montréal La piétonisation temporaire de la rue Ste-Catherine à Montréal permet de diminuer les conflits entre piétons et véhicules motorisés, quelques mois par année. Montréal Source: Vivre en Ville

Sécurité accrue

En retirant ou restreignant l’accès aux véhicules motorisés, la piétonnisation d’une rue vient diminuer les conflits entre les différents usagers; elle est ainsi associée à une diminution du nombre d’accidents et à une diminution du nombre de décès sur cette rue, ainsi que sur les rues avoisinantes (Elvik, 2009 et University of Northampton, 2014). L’effet de la piétonnisation est d’autant plus prononcé lorsque la rue connaît à l’origine une problématique de sécurité routière (Elvik, 2009). Si la sécurité réelle des piétons se retrouve accrue grâce à l’absence de circulation automobile, le sentiment de sécurité (ou sécurité perçue) est également rehaussé.

Diminution des nuisances reliées à l’automobile

En plus de l’insécurité routière, la circulation automobile est à l’origine de plusieurs nuisances pouvant être atténuées par l’aménagement de rues piétonnes. La pollution de l’air et le bruit font partie des principales nuisances, associées à des enjeux majeurs de santé publique tels que les maladies cardio-respiratoires et le stress. Le retrait de la circulation motorisée dans un secteur entraîne une diminution des polluants atmosphériques, dont les émissions de CO2, et une diminution des niveaux sonores (Elvik, 2009 et University of Northampton, 2014).

L’espace accaparé par les véhicules motorisés (en circulation ou stationnés) constitue par ailleurs une nuisance majeure souvent sous-estimée. Retirer la circulation automobile et le stationnement sur une rue apporte un gain d’espace considérable pour les piétons; il devient plus confortable de marcher, quel que soit le rythme ou la condition du marcheur. Les familles avec poussettes, les personnes à mobilité réduite ou ayant besoin d’aide à la mobilité (marchette, fauteuil roulant, triporteur, etc.) disposent alors d’espace et de confort supplémentaires.

Mobilité durable et réduction de la congestion

La piétonnisation d’une rue peut constituer un geste fort d’une démarche globale de mobilité durable à l’échelle d’une ville ou d’une agglomération. En restreignant l’accès d’une rue à la circulation motorisée, les automobilistes peuvent choisir de dévier leur parcours, ou encore de procéder à un transfert modal vers un autre mode de déplacement moins contraignant et plus efficace. Plusieurs démarches de piétonnisation s’inscrivent dans des plans globaux de mobilité, qui, en renforçant les alternatives à l’auto-solo, peuvent provoquer un report modal vers les transports collectifs et les déplacements actifs. On observe dans plusieurs de ces cas une diminution globale de la circulation motorisée (CERTU, 2011).

Animation du milieu et dynamisme commercial

La rue, lorsqu’elle est piétonne, offre un environnement propice non seulement pour se déplacer activement, mais également pour déambuler, se restaurer, magasiner, se reposer, se divertir ou jouer. Grâce au confort accru, à la qualité visuelle des aménagements et à l’occupation de l’espace par des activités susceptibles d’animer la rue (terrasses, amuseurs publics, kiosques, événements, etc.), la rue piétonnisée devient un lieu de socialisation animé à l’ambiance toute particulière, généralement associé à une augmentation de l’achalandage.

Cette atmosphère distinctive et recherchée peut permettre aux rues piétonnes commerçantes de compétitionner avec les centres commerciaux périphériques axés sur l’accès automobile (Boillat et Widmer, 2001), centre commerciaux qui, une fois à l’intérieur, reproduisent des rues piétonnes, rappelons-le !

16th Street, Denver L’allée centrale de la 16th Street à Denver (Colorado) est devenue un véritable espace public linéaire, largement occupé et animé. Denver, Colorado, États-Unis Source: Vivre en Ville

La piétonnisation de rues commerçantes

Dans le cas de rues commerçantes, le retrait de la circulation automobile peut avoir d’importantes répercussions sur les commerces, selon le contexte et la nature des activités ayant pignon sur rue. La piétonnisation est susceptible d’engendrer des changements considérables dans la structure commerciale (commerces courants, de restauration, et grandes chaînes favorisés au détriment des commerces de destination indépendants), mais les impacts économiques globaux seraient généralement positifs (CERTU, 2011; Mehrein, s.d.).

Cependant, comme en témoignent certains pedestrian malls américains, qui ont réintroduit les automobiles après leur avoir interdit l’accès pendant une certaine période, la piétonnisation n’est pas toujours l’opération la plus appropriée pour le milieu (Center City Commission, 2008). Elle s’avère pertinente et garante de succès dans certains contextes seulement.

Les prérequis

Dans le cas d’une artère commerciale que l’on souhaiterait piétonniser, l’animation et l’achalandage devraient faire partie de la situation initiale; on ne peut miser sur la piétonnisation pour contrecarrer une morosité économique et une situation de dévitalisation. Une rue présentant une mixité d’activités et une offre commerciale diversifiée avec, ou à proximité, des commerces de plusieurs types (commerces courants, de destination, restaurants) ainsi que des services, des emplois et des résidences est davantage susceptible de bénéficier de retombées économiques positives de la piétonnisation (VTPI, 2014 ; Pawlas, 2011). La nouvelle rue piétonne devrait par ailleurs pouvoir constituer à la fois une destination en soi, ainsi qu’un lieu de passage reliant différentes attractions.

Quant au cadre bâti, il est nécessaire qu’il soit, au départ, propice aux déplacements piétonniers en comportant notamment une trame de rues très perméable (afin de ne pas générer une enclave), un encadrement visuel de la rue, ainsi qu’une échelle humaine (VTPI, 2014).

Comment fait-on?

La mise en oeuvre d’une piétonnisation serait davantage garante de succès en reposant sur les éléments suivants :

La mise en place d’une politique de transport intégrée

Pour assurer son accessibilité, le maillage d’une rue piétonne avec les autres secteurs, par les différents modes de déplacements, devrait avoir été préalablement réfléchi. La rue doit pouvoir compter sur une excellente desserte de transport collectif et offrir des espaces de stationnement à proximité (VTPI, 2014 et Pawlas, 2011), ainsi que des supports à vélos (Rodriguez, 2011).

Le retrait graduel de la circulation automobile

Une piétonnisation temporaire, saisonnière ou événementielle, et la mise en place d’un projet pilote peuvent donner un aperçu des impacts d’une piétonnisation permanente et rallier davantage la population riveraine, ainsi que les commerçants au projet.

Des aménagements maximisant le confort des piétons et l’animation urbaine

L’aménagement d’une rue piétonne doit particulièrement porter attention au confort des marcheurs et au potentiel d’animation de la rue. Une grande importance sera ainsi accordée aux éléments de design et au mobilier urbain : placettes, terrasses, bancs publics, plantations d’arbres assurant un ombrage adéquat, éclairage, fontaines, œuvres d’art, etc. Puisque la ségrégation entre les véhicules et les piétons n’est plus nécessaire, il est possible d’aménager la rue sans trottoirs, avec une surface pavée plutôt qu’asphaltée.

Le maintien d’un accès aux véhicules d’urgence et un accès temporaire aux véhicules de livraison

Les restrictions au passage de la circulation motorisée peuvent être indiquées par une signalisation, ainsi que par des obstacles physiques temporaires plutôt que permanents. Des bornes rétractables peuvent également servir à la gestion des véhicules autorisés à circuler sur la rue.

La gestion du projet par un organisme dédié

La gestion de l’opération de piétonnisation gagne à être assurée par une structure ou un organisme dédié, notamment afin de soutenir la transition commerciale à prévoir et d’assurer la gestion des locaux (Center City Commission, 2008).

L’entretien impeccable de la rue

Afin d’assurer le sentiment de sécurité des piétons et de maximiser l’attrait de la rue, son aspect visuel et son entretien doivent être considérés avec la plus grande attention.

Et les autres usagers de la route?

Tramway dans la zone piétonne de Freiburg im Breisgau - Dans la zone piétonne du centre-ville de Freiburg im Breisgau (Allemagne) le tramway génère peu de nuisances et cohabite harmonieusement avec piétons et cyclistes. Freiburg im Breisgau, Allemagne Source: Vivre en Ville

Dans certains cas, la rue piétonne peut autoriser la circulation des cyclistes et de véhicules de transport collectif. Le choix d’autoriser et d’intégrer ces autres modes de déplacements, ou non, se fait alors principalement en fonction des risques de conflits et de nuisances générés par ces modes. L’achalandage et la largeur de la voie peuvent aider à déterminer le risque de conflit. Selon l’organisation néerlandaise CROW, piétons et cyclistes pourraient cohabiter de façon harmonieuse lorsque, pour chaque mètre de largeur de la voie, le nombre de piétons est inférieur à 200 par heure (CROW, 2007).

Quant aux modes de transport collectifs, la cohabitation entre piétons et tramway à basse vitesse étant jugée peu conflictuelle et sécuritaire, il est fréquent de voir circuler un tramway sur une rue piétonne. En l’absence de tramway ou de métro, des navettes motorisées, toujours à basse vitesse, peuvent accroître l’accessibilité de la rue piétonne et faciliter les déplacements sur celle-ci.

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Notice bibliographique

Publication : 08 septembre 2016
VIVRE EN VILLE (2016). « Rue piétonne », Collectivitesviables.org, Vivre en Ville, septembre 2016. [http://collectivitesviables.spektrum.media/articles/rues-pietonnes.aspx] (consulté le 13 mai 2024).


Référence

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