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Aménagement transitoire

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Publication : 29 avril 2017

Le design d’aménagements transitoires constitue une démarche de planification et d’intervention sur l’espace public: elle permet d’appréhender la transformation d’un site ou bâtiment vacant ou d’un espace public inadapté, à court et moyen termes, et de nourrir la réflexion plus large entourant un projet de réaménagement permanent, qu’il soit seulement envisagé ou officiellement prévu. Afin de mettre en valeur un espace et le rendre attrayant pour la communauté, le design d’aménagements transitoires mise sur des aménagements modestes, flexibles, relativement peu dispendieux et rapides à mettre en oeuvre.

Le concept et son origine

Depuis quelques années, les aménagements transitoires subissent un gain de popularité. Le design d’aménagements transitoires - qui s’inscrit dans la lignée de “l’urbanisme tactique” ou “do-it-yourself”, des installations éphémères et de l’occupation temporaire de l’espace public, - a pour but de valoriser les espaces urbains sous-utilisés ou les espaces publics existants ne remplissant pas les fonctions pour lesquels ils ont été conçus. Ces pratiques s’inscrivent dans une volonté grandissante de replacer l’humain au coeur de la réflexion sur l’espace public, et plus largement, de construire une ville à échelle humaine (PPS, s.d.). À l’instar de l’aménagement tactique et d’autres approches similaires, le design transitoire s’intéresse à l’occupation temporaire de l’espace public. Cependant, il a pour but de nourrir une démarche de design incrémentale, passant du projet temporaire au permanent. Cela n’exclut pas, évidemment, qu’un projet temporaire conçu en dehors d’une telle démarche puisse être pérennisé s’il prouve sa pertinence. Le design d’aménagements transitoires peut être employé, notamment, pour :

  • La requalification d’un site ou bâtiment vacant, ou sous-utilisé (p. ex. un site vacant à jardin communautaire)

  • Le réaménagement d’un espace public existant, mais peu fréquenté (p. ex. un terrain de jeux dans un quartier vieillissant)

  • La modification du partage de la rue (p. ex. un élargissement de trottoir, un ajout de piste cyclable, etc.)

  • L’installation d’équipements particuliers (p. ex. un stationnement à vélos)

  • La modification d’un règlement (p. ex. permettre les terrasses empiétant sur le trottoir).

Le réaménagement temporaire de la rue Delancey, à New-York, vise à simplifier les parcours automobiles, mais avant-tout à sécuriser les aménagements pour les piétons. New York, New York (États-Units) | Source : NYC Department of Transportation

Les acteurs impliqués

La nature incrémentale du projet suppose qu’il soit porté par un acteur en mesure de le pérenniser. En grande majorité, les aménagements transitoires sont donc portés par les municipalités, à qui appartiennent les espaces publics, mais quelquefois aussi par des associations ou des acteurs privés qui gèrent des espaces à caractère public. Cela dit, les projets peuvent être issus de demandes citoyennes, ou d’organisations telles une société de commerçants (SDC) ou une école, par exemple. Bien qu'ils n'aient pas compétence pour le réaménagement des espaces publics, ces acteurs peuvent être partenaires du projet temporaire, participer à sa conception et parfois même à son financement. Puisque le projet leur est destiné, les résidents à proximité de l’espace à réaménager et les usagers actuels ou entrevus représentent, quant à eux, des parties à consulter. Ils possèdent un savoir d’usage (CEUM, 2015) qui permettra de contribuer à la définition ou à l’évaluation du projet, si ce n’est à sa conception.

La démarche

Dans le cadre d’un projet de réaménagement permanent, le design d’aménagements transitoires peut chevaucher les phases d’analyse de site, de consultation publique et de conception de projet. Sans nécessairement remplacer ces étapes, la démarche de design vise plutôt à les enrichir, en passant par :

  • une consultation pré-projet, qui rassemble les différents acteurs impliqués et les citoyens, afin d'enrichir l’analyse du site, de bien identifier les problématiques ainsi que les objectifs à atteindre par le (ré)aménagement;

  • la conception du projet temporaire, qui peut éventuellement se faire selon une démarche collaborative, impliquant les partenaires et citoyens consultés;

    • via des ateliers de design participatif, de co-conception, etc.
    • ou des allers-retours entre la conception par le porteur de projet et sa validation par les partenaires et citoyens impliqués;
  • la mise en place du projet;

  • l’évaluation du projet, pouvant comporter plusieurs volets;

    • l’observation in situ, afin de répertorier les usages qui sont faits du site, sa fréquentation, etc.
    • la consultation post-projet, ou les sondages aux partenaires, résidents et autres utilisateurs du site;
    • les analyses de circulation, socioéconomique, etc.
  • l’intégration des apprentissages dans la conception du projet permanent.

Les bénéfices associés aux aménagements transitoires

Les projets de (ré)aménagement urbain traditionnels demandent généralement un travail de longue haleine. Leur planification et mise en oeuvre peuvent s’étaler sur plusieurs années, impliquer de nombreux acteurs, représenter des investissements importants et tout cela, sans garantie de résultat. De nature temporaire, les aménagements transitoires ne visent pas à remplacer cette démarche, mais bien à la bonifier (Harrop, 2015).

Intégré dans une réflexion plus large, le design d’aménagements transitoires permet de diminuer les risques associés à l’aménagement de projets permanents ou à une prise de décision précipitée, tant en ce qui concerne l’investissement financier, que l’acceptabilité sociale et les retombées prévues. Menée avec sérieux et visant une qualité des aménagements malgré leur nature temporaire, la démarche de design est une façon de valider, par des moyens relativement simples et économes, l’atteinte des objectifs par la solution proposée. Elle permet aussi de relever des obstacles imprévus, en plus de favoriser l’adhésion des citoyens et des parties concernées (différentes directions municipales, commerçants, organismes locaux, etc).

Passer à l’action

Le processus d’approbation réglementaire et budgétaire, ainsi que la coordination d’un projet de réaménagement d’espace public complexifient sa mise en oeuvre, et allongent les délais de réalisation du projet. Plus modeste que le projet final, et donc plus facile à appréhender, l’aménagement transitoire permet de passer à l’action rapidement. Il est ainsi possible de répondre aux attentes de la population, et aux problématiques soulevées, sans passer par une longue démarche qui pourrait s’étaler sur plusieurs années (NACTO, s.d.).

D’ailleurs, alors que certains projets de réaménagement peuvent nécessiter des études de faisabilité ou d’impact préalables, le projet transitoire apparaît comme une façon concrète d’évaluer certaines données, avant même de s’engager dans un projet permanent. Nul besoin d’attendre le résultat de ces études avant de mettre sur pied un projet temporaire qui peut, au besoin, être démantelé rapidement.

Tester des solutions concrètes

La conception d’un espace public n’est pas chose simple, et la solution à une problématique n’est pas unique. Parmi toutes les configurations d’un lieu ou d’une voie publique qui s’offrent aux concepteurs et aux décideurs, comment reconnaître la plus appropriée? Face à ce défi, les aménagements transitoires doivent être vus comme ces projets pilotes. Ils ont vocation à mettre à l’épreuve des solutions concrètes avant de s’engager dans le projet permanent.

Conçus de manière à être flexibles, avec l’objectif de tester plus d’une configuration (au besoin), les aménagements temporaires peuvent permettre de tester nombre de variables, notamment en ce qui concerne :

  • l’utilisation générale de l’espace (p. ex. valider l’emplacement choisi pour les différents usages d’un site - lieux de passage, terrasses, jeux d’enfant, piste cyclable, etc.);

  • les aspects techniques d’un projet (p. ex. largeur des voies, rayons de virage, accessibilité pour les livraisons, efficacité d’un système d’ombrage, etc.);

  • les retombées positives et négatives (p. ex. nombre d’utilisateurs attirés, circulation de transit déviée, etc.).

Les solutions d’aménagement mises à l’essai prouveront leur efficacité, ou leur échec, face aux objectifs du projet. Quel que soit le cas, les conclusions qui en sont tirées et qui seront intégrées au projet permanent ne feront qu’en améliorer la qualité. Les projets d’envergure peuvent même passer par plusieurs versions d’un aménagement transitoire avant de s’arrêter sur une solution optimale, dans une démarche itérative et incrémentale.

Hypothèses d’aménagement à l’essai pour le vélo-boulevard de la rue Père-Marquette. Québec (Québec) | Source : Accès Transports Viables

Engager la discussion et désamorcer la résistance au changement

La réussite d’un projet d’aménagement de l’espace public repose aussi sur la réponse citoyenne à l’aménagement proposé et l’engagement politique en vue de sa mise en oeuvre. Les aménagements transitoires offrent un support autour duquel engager la discussion entre les parties prenantes (tel que décrit dans la démarche), et permet à chacun d’exprimer ses appréhensions et aspirations au regard du projet envisagé. L’intégration de ces préoccupations dans le projet permanent favorise son acceptabilité sociale. Facilement abordables, et avec l’objectif d’entamer une discussion, les aménagements temporaires génèrent habituellement un engouement populaire, facilitant d’autant plus l’adhésion des citoyens et organismes locaux à sa mise en oeuvre permanente.

En ce qui concerne les projets controversés, démarrer la démarche par un aménagement transitoire est une occasion de prouver la pertinence du projet, assurant par là même un plus grand consensus parmi les décideurs (p. ex. au sein d’un conseil municipal) et diminuant la résistance au changement du côté de la population. Puisqu’il est temporaire, et qu’il peut être démantelé s’il s’avérait inopportun, l’aménagement transitoire est une démarche sécurisante pour les décideurs comme pour les citoyens.

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Notice bibliographique

Publication : 29 avril 2017
VIVRE EN VILLE (2017). « Aménagement transitoire », Collectivitesviables.org, Vivre en Ville, avril 2017. [http://collectivitesviables.spektrum.media/articles/amenagements-transitoires.aspx] (consulté le 12 mai 2024).


Référence

CEUM [Centre d’écologie urbaine de Montréal] (2015). L’urbanisme participatif : Aménager la ville avec et pour ses citoyens, Montréal, Centre d’écologie urbaine de Montréal. 52 p.

HARROP, Dale (2015). «Let’s make a prototype : Exploring temporary urbanism in the form of transitional urban design schemes that can be tested prior to permanent implementation». Résumé de conférence présenté lors de la 8th International Urban Design Conference, Brisbane (Australie), le 18 novembre 2015.

NACTO [National Association of City Transportation Officials] (s.d.). «Interim Design Strategies», Urban Street Design Guide. NACTO. (consulté le 9 août 2016).

PPS [Project for Public Spaces] (s.d.). The lighter, quicker, cheaper transformation of public spaces, PPS. (consulté le 11 août 2016).